- Speaker #0
On entend souvent parler des hormones du bonheur que le corps libère après la pratique sportive. Mais est-ce que le sport a un impact sur d'autres hormones ? Est-ce qu'il est un régulateur ou un perturbateur hormonal ? Et c'est avec professeur Martine Duclos, endocrinologue au CHU de Clermont-Ferrand, que nous décryptons le sujet. Vous avez une question ? On a la réponse ! Vous écoutez Conseil Sport, le podcast bien-être santé. nutrition de Décathlon. Bonjour Martine.
- Speaker #1
Bonjour.
- Speaker #0
Comment vas-tu ?
- Speaker #1
Je vais très bien.
- Speaker #0
Merci beaucoup d'avoir accepté l'invitation. Alors on est à distance aujourd'hui, tu es dans ton bureau au CHU j'imagine ?
- Speaker #1
Exactement.
- Speaker #0
On rentre dans le vif du sujet parce que le sujet est vaste et je sais qu'on peut mettre du temps alors on y va tout de suite. Comment le sport affecte-t-il la production d'hormones ? liées à la bonne humeur. On va parler d'abord des hormones du bon humeur. D'ailleurs, quels sont leurs noms aux hormones qu'on appelle du bonheur ? On les associe souvent au sport.
- Speaker #1
Il y a beaucoup d'hormones ou de neuromédiateurs. Il y a la dopamine, qui est vraiment l'hormone ou le neuromédiateur de la récompense. Mais il y a aussi la sérotonine, il y a les encéphalines, les endocannamidoïdes. Donc voilà, il y en a plein. C'est-à-dire que le cerveau est suffisamment bien fait. Nous y sommes... une substance pour un effet. Il y a plusieurs substances pour plusieurs effets au cas où une substance serait manquante pour que les autres supplèrent à cet effet. Donc voilà, on a tout un système de récompense qui est très puissant.
- Speaker #0
Et le sport, il agit davantage sur lesquels ?
- Speaker #1
Sur toutes, sauf que chacune agit sur des systèmes... Le circuit, on appelle ça la circuiterie neuronale. Donc ça veut bien dire, vous imaginez, comme un circuit, un réseau de neurones ou un réseau informatique. Donc il y a plein plein plein de tuyaux et chacune va agir sur différentes zones cérébrales à travers ce circuit. En tout cas il est très très bien démontré que quand on fait de l'activité physique, juste une session d'exercice, ça peut être 10, 15, 20 minutes, et bien on produit ces neuromédiateurs qui vont agir sur différents noyaux du système nerveux central et donner cet effet d'abord de plaisir, mais aussi donc ça active des zones dans ce circuit de la récompense mais ça inhibe d'autres zones. Par exemple, les zones qui sont impliquées dans la peur, dans l'anxiété, dans l'angoisse et aussi dans la fatigue. Donc, ça explique qu'on soit si bien après une session d'exercice. On se sent détendu, moins anxieux et ça conduit en fait au bien-être, ce bien-être qui est physique, qui est psychique, mais qui est aussi social. On va plus facilement vers les autres. On a plus envie de parler. Voilà, on est détendu. Et puis, in fine, le soir, quand on ira se coucher, on va mieux dormir. Le lendemain, on sera en pleine forme. C'est vraiment un cercle verteux. Ça, c'est juste l'effet d'une session. Vous imaginez que si vous faites ça régulièrement, vous répétez ces sessions, ces bouts d'exercice tous les jours, au moins un jour sur deux, en plus, vous activez cette espèce de machinerie et vous produisez des effets de plus en plus vite, de plus en plus tôt au cours de l'exercice. L'exemple typique, si vous vous mettez à la marche ou au footing. Au début, vous n'allez pas avoir le plaisir au bout de 5-10 minutes. Il va falloir attendre 15-20 minutes pour être dans votre bulle. Et plus vous en faites régulièrement, plus ça devient facile et plus tôt vous allez être dans votre bulle et vous sentir bien. C'est ça en fait.
- Speaker #0
C'est un peu comme la méditation. On dit aussi qu'il faut s'entraîner. Les premières fois sont toujours fastidieuses et au fur et à mesure, on arrive à rentrer dans cet état de pleine conscience de plus en plus facilement.
- Speaker #1
Tout à fait.
- Speaker #0
On entraîne aussi les connexions de notre cerveau quand on fait du sport.
- Speaker #1
On le voit très très bien quand on a le cerveau, on a un système qui s'appelle les synapses, c'est-à-dire la connexion entre les neurones. Et en fait, l'activité physique en elle-même augmente. On voit très très bien les neurones qui se connectent. Donc on a plus de connexions quand on fait de l'activité physique et la durée de vie des connexions augmente. Et puis ce qui fait des connexions, c'est en fait les dendrites, c'est ce qui fait le lien entre les différents neurones. Le nombre de dendrites augmente, c'est-à-dire les branches aux neurones augmentent. Donc vraiment tout s'explique.
- Speaker #0
Quand on parle d'hormones, on parle aussi des hormones sexuelles. Comment le sport peut-il influencer les niveaux de testostérone ou d'ostrogène ?
- Speaker #1
Il y a deux façons. La première chose, c'est l'exercice aigu, courir, faire du renforcement musculaire plutôt intense. C'est plutôt l'exercice intense qui va induire une augmentation très transitoire de la testostérone chez l'homme et des estrogènes chez la femme. Non pas par augmentation de la production par les organes sexuels, en tout cas par les testicules pour l'homme et par les ovaires chez la femme. C'est parce qu'il y a une diminution du catabolisme, de leur destruction qui est souvent hépatique. Parce que les hormones sont produites et ensuite elles sont détruites par le foie. Sinon on aura des taux incroyables. Donc elles sont produites et elles sont détruites, ce qui permet d'avoir une concentration stable. Et en fait, au cours de l'exercice, comme il y a une déviation du flux sanguin vers les muscles, il y en a beaucoup moins vers le foie parce que le flux sanguin va là où il y en a le plus besoin.
- Speaker #0
Il faut oxygéner les muscles à ce moment-là, oui.
- Speaker #1
Voilà. il y a moins de catabolisme, moins de destruction. Donc on voit les taux qui augmentent. Pas de façon très importante, mais ça veut dire qu'il y a quand même une ambiance anabolique, parce que c'est puissamment anabolique, qui augmente. Mais après, en contrepartie, sur le reste de la journée, c'est un petit peu moins augmenté, donc il y a un bon équilibre. L'autre chose qu'on voit, et là ça peut conduire vers la pathologie, c'est qu'il y a des sujets ou des disciplines où la performance est liée avec un niveau de masse grasse qui est faible. Je pense à tous les sports d'endurance, le fond, le demi-fond, le marathon, l'ultra-marathon, ou la gymnastique, les sports d'esthétique. Oui, le culturisme. Voilà. Et là, les gens cherchent à baisser, baisser, baisser au maximum leur masse grasse. Et on trouve des taux de masse grasse qui sont vraiment extrêmement bas. Et là, à ce moment-là, l'organisme va se mettre dans un mode économique. C'est-à-dire, il va chercher à baisser tout ce qui n'est pas indispensable à la vie. Et en particulier... Un cycle menstruel, avoir un cycle de 27 jours, ça coûte de l'énergie. Même une fonction, la testostérone, ça coûte de l'énergie. Et donc, tout ça va se mettre à l'arrêt parce qu'on a besoin d'une certaine quantité d'énergie. Et en fait, le cerveau est informé du niveau de masse grasse parce que c'est là qu'on a des réserves énergétiques pour plusieurs mois. Et le cerveau est informé du niveau de masse grasse parce qu'il y a des hormones produites par la masse grasse. Et la... La principale, c'est la leptine, mais pas la seule. Et donc, le cerveau est informé du niveau de masse grasse grâce au taux hormonal de leptine. Et quand c'est en dessous d'un certain seuil, qui est bien connu, on connaît le niveau de leptine, eh bien, il y a un arrêt de la production de ces hormones. Et ça va se traduire chez la femme par une raréfaction des règles. Ils vont s'espacer tous les deux mois, trois mois, voire un arrêt des règles, c'est l'aménorée. Et donc ça, ce n'est pas à cause directement du sport, c'est à cause de la restriction alimentaire. Le déséquilibre entre les apports alimentaires et la dépense énergétique augmentée liée au sport, de façon à avoir moins de masse grasse et un arrêt des règles chez la femme. Et puis chez l'homme, une baisse de la testostérone, avec surtout les risques sont une perte de la densité osseuse, un risque d'ostéoporose et de fractures de fatigue.
- Speaker #0
Il faut combien dans ce cas-là de pourcentage de masse grasse pour pouvoir subvenir à nos besoins sans qu'ils se mettent en pause ?
- Speaker #1
C'est très variable. Il y a une grande variabilité d'un individu à l'autre. Mais chez les femmes, on est quand même censé avoir 25% de masse grasse. Et on arrive souvent à des femmes qui ont 10, 12, 13% de masse grasse. Donc il faut vraiment qu'elles reprennent des kilos de graisse. Des fois, il suffit qu'elles reprennent 2, 3 kilos de graisse. Et chez les hommes, les hommes sont beaucoup moins sensibles parce que la fonction de la production de testostérone, c'est moins compliqué que chez la femme. Parce que chez la femme, il y a une certaine cyclicité. L'axe est beaucoup plus complexe que l'homme. Mais néanmoins, moi, j'ai des hommes qui ont 6% de masse grasse alors qu'ils devraient avoir 18 à 20%, 22% de masse grasse. Donc, c'est pareil. Il faut quand même un minimum de masse grasse pour avoir une fonction, une production de testostérone normale.
- Speaker #0
D'accord. Est-ce que ça influence également cette variation hormonelle ? Est-ce que ça influence la libido ?
- Speaker #1
Oui, oui. Un des signes, c'est... Alors là, il y a une baisse de la libido. Les hommes, quand ils ont une testo basse, il n'y a pas de libido. Et puis, il y a souvent une azospermie ou une oligospermie. C'est-à-dire que ça se traduit par des troubles de la fertilité. Des fois, c'est un motif de consultation. C'est-à-dire qu'il y a un désir d'enfant. Ils ne réussissent pas à avoir des enfants. Alors, c'est d'abord madame qui a le droit à tout son bilan. Forcément, c'est la faute de madame. On se trouve que chez madame, tout se passe bien. Donc, on va voir chez monsieur. Et là, on voit qu'il n'y a pas assez de spermatozoïdes. On dose la testo et elle est basse. Et puis après, on fait toute l'enquête qui va avec. Chez la femme, effectivement, si on n'a pas d'estrogène. Parce que là où c'est freiné, effectivement, la libido, elle est diminuée, voire complètement nulle.
- Speaker #0
On parle de perturber l'équilibre ou de l'améliorer. J'aimerais justement savoir si le sport peut améliorer ou perturber l'équilibre hormonal. J'entends que c'est en fonction plutôt de la nature du sport et peut-être l'intensité qu'on y met, la régularité.
- Speaker #1
Je crois que quel que soit le sport et quelle que soit l'intensité qu'on y met, à partir du moment où on a un bon équilibre entre 1. L'activité sportive et la récupération qu'on y met, tout va bien se passer, que ce soit la récupération en termes de fatigue, de récupération des charges, et la deuxième chose, en termes de dépenses énergétiques et d'apports alimentaires adéquats. Je m'explique. En termes de récupération, si vous faites 20 heures de sport par semaine, et que vous travaillez 35 heures par semaine, que vous n'avez pas d'enfants, et que tout votre temps hors du travail, c'est l'activité sportive et la récupération, aucun problème, vous pouvez faire 20 heures, 25 heures de sport par semaine. A l'inverse, si vous faites 15 heures de sport par semaine, que vous bossez 45 heures par semaine, que vous avez 3 enfants en bas âge, que les nuits ne sont pas complètes, parce que le petit dernier se réveille toute la nuit, là, vous faites presque moitié moins de sport que le premier, mais vous n'avez pas votre récupération parce que vous dormez en gros 4-5 heures par nuit. Et puis en plus, vous travaillez plus. Là, vous ne pouvez absolument pas récupérer avec une charge qui est la moitié moindre. Donc là, effectivement, vous allez être fatigué, vous allez vous blesser, et puis vous n'arriverez plus à vous entraîner ou en tout cas, vous ne serez pas performant. Même chose, si vous faites 20 heures de sport par semaine, que ce soit un homme ou une femme, et que votre... dépenses énergétiques liées au sport est compensée par des apports alimentaires adéquats donc bien sûr vous mangez plus et des apports à équilibrer, tout va bien se passer si par contre vous faites 20 heures de sport par semaine et que vous mangez la même façon que quelqu'un qui fait pas de sport bah là effectivement vous arriverez dans baisse de masse grasse et des problèmes de santé Tout est une question d'équilibre.
- Speaker #0
Si je comprends bien, pour avoir les bienfaits au niveau hormonal du sport, il faut que ça s'inscrit dans un quotidien avec une répartition de l'entraînement, de la récupération qui est juste par rapport à nous, par rapport à notre vie quotidienne.
- Speaker #1
Équilibre, récupération, sommeil, alimentation. Et puis gestion du stress, parce qu'il y a des gens aussi...
- Speaker #0
Justement, parlons du stress.
- Speaker #1
Alors, il y a des gens qui ne supportent pas la compétition, mais en règle générale, c'est tout l'intérêt de l'activité physique. L'activité physique, c'est un bon moyen de gérer son stress, alors plutôt le stress quotidien. Le grand projet de l'année prochaine, ce sera la santé mentale, ce qui est un élément important. Et on sait que le meilleur moyen de prévenir l'anxiété chronique, le stress chronique, ou de traiter l'anxiété chronique ou le stress chronique, voire la dépression, c'est l'activité physique régulière. Ça a vraiment le même effet que les traitements. Donc c'est vraiment extrêmement impressionnant. Les mécanismes, on les connaît bien. D'ailleurs, principalement par les mécanismes dont je vous ai parlé.
- Speaker #0
La récompense.
- Speaker #1
La dopamine, la sérotonine, la récompense, un meilleur sommeil. C'est vraiment un élément extrêmement important. Et il est aussi bien montré que quand vous êtes entraîné, il y a des tests de stress. Par exemple, on vous met en amphithéâtre et puis en amphithéâtre, on vous fait réciter un discours et on n'arrête pas de vous critiquer devant plein de monde. Donc là, vraiment, on mesure les réponses de stress sur le cortisol salivaire. Eh bien, il est montré que si on fait ça chez des sujets non entraînés versus des entraînés, les sujets entraînés ont une réponse en stress qui est beaucoup moins importante. Ou chez des sujets non entraînés, avant et après entraînement. Après l'entraînement, la réponse au stress est beaucoup moins importante. Donc, ça permet d'avoir une meilleure, ce qu'on appelle le coping, une meilleure gestion du stress quand on fait de l'activité physique régulière.
- Speaker #0
Mais parfois, on peut se dire que le sport, ça peut être aussi une source de stress. non pas pour le psychique, mais pour notre organisme. Jusqu'à quelle intensité le sport est intéressant pour réguler le stress ? Il l'est toujours, en fait ?
- Speaker #1
Oui, il l'est toujours. Je veux dire, à partir du moment où on respecte l'équilibre, il est clair que si on fait... Alors après, jusqu'aux extrêmes, il est clair que s'il fait 40 degrés dehors, ou 45, et qu'on va courir à midi, en plein soleil, en tenue, en nylon, parce qu'on a décidé de perdre 5 kilos d'eau, Là, vous allez faire un malaise. Là, c'est un stress thermique, hydrique. Et là, vous n'aurez aucun plaisir. Donc là, évidemment, on a quand même des capacités de régulation, ce qu'on appelle l'homéostasie, c'est-à-dire l'équilibre de l'organisme, fabuleuse. De pression artérielle, de métabolisme énergétique, de pH, d'équilibre hydrique, enfin de plein, plein, plein de choses. Il y a quand même certaines limites. Je sais que l'humain, parfois, aime bien l'extrême.
- Speaker #0
De plus en plus, c'est très intéressant.
- Speaker #1
Mais bon, pareil, il y a des gens qui font des choses extrêmes, mais c'est des gens très entraînés. Oui, il faut le rappeler. Voilà, qui ont de l'expérience. Ce n'est pas n'importe qui qui va faire un 8000 mètres. On ne se prépare pas à monter la Concagua ou faire un 8000 mètres comme ça du jour au lendemain. Donc voilà, ou un marathon du jour au lendemain. Par contre, si moi, quelqu'un qui ne fait rien me dit je veux faire un marathon, c'est mon objectif. Je dis pourquoi pas, mais pas tout de suite. Voilà, donc voilà.
- Speaker #0
Le corps sait s'adapter, mais il faut l'entraîner.
- Speaker #1
Voilà, il faut le respecter aussi. Il faut savoir s'écouter. C'est-à-dire que quand à un moment il vous dit là je ne récupère plus, là je suis trop fatigué, là aujourd'hui non mais là je ne peux vraiment pas, j'y prends aucun plaisir, j'ai mal partout, doucement on lève le pied et puis on y va progressivement.
- Speaker #0
Ça me paraît clair, Martine. Le plaisir, il revient. On a commencé avec le plaisir, on finit avec le plaisir. Pour avoir les bénéfices au niveau hormonal de l'activité physique et du sport, le bon sens, quand même, pas mal. L'écoute de soi reste des choses indispensables. Merci beaucoup, Martine.
- Speaker #1
Merci.
- Speaker #0
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